Gérard Deprez – l’Echo du citoyen n°87 – juillet 2019
Il y a plus d’un mois déjà que les élections du 26 mai ont livré leur verdict.
Les commentateurs politiques sont sous le choc le lendemain matin. La Libre Belgique titre : « La fracture » dans une première de couverture coupée graphiquement en deux : le noir du Vlaams Belang en haut, le vert d’Ecolo en bas. Le Soir n’est pas en reste en titrant : « Deux Belgique », au-dessus d’un éditorial de Béatrice Delvaux qui résume son analyse en trois phrases choc : « un dimanche noir, un tsunami politique, un pays désarticulé. » Le reste des media est à l’avenant.
Du côté des partis politiques, les commentaires sur les résultats sont, comme d’habitude, un mélange laborieux de camouflage et d’autosatisfaction. Ecolo et le PTB triomphent sans retenue, alors que leur progression, si elle est réelle, reste en-deçà de ce qu’ils espéraient au vu des sondages. Le PS s’enorgueillit d’être le premier parti francophone et passe sous silence le fait qu’il réalise son plus mauvais résultat depuis l’instauration du suffrage universel. Le MR qui craignait bien pire, se félicite de rester le deuxième parti de Wallonie et le troisième à Bruxelles, là où jusqu’à récemment, il ambitionnait de devenir le premier. Le CDH peut difficilement user du camouflage : il surnage de justesse au-dessus du seuil d’éligibilité à Bruxelles et son recul en Wallonie est tel qu’il préfère très vite choisir l’opposition à tous les niveaux.
En Flandre, tous les partis dits traditionnels reculent nettement au profit du Vlaams Belang qui cartonne (près d’un million de voix), tandis que le PTB et les Verts progressent mais sans réussir une percée spectaculaire.
Voilà le verdict des urnes et la manière dont il a été analysé et « orienté » par les observateurs et les acteurs.
Maintenant, il s’agit de constituer des majorités pour gouverner. Où en est-on et à quoi pouvons-nous nous attendre ?
Au fédéral, les choses se présentent franchement mal, si l’on prend au sérieux toutes les exclusives proclamées par les uns et les autres – contre le V.B., la NVA, le PTB, le PS, Ecolo – il n’y a aucune majorité possible. Si, comme l’annoncent Ecolo et peut-être le PS, on refuse de s’allier avec la NVA, sachant que le VB n’est pas fréquentable et que le PTB et le CDH se sont mis hors-jeu, il faut une alliance de pratiquement tous les autres partis pour construire une majorité de plus d’une voix. Un tel scénario comporte en outre le risque gravissime de jeter les deux plus grands partis de Flandre dans une opposition radicale contre l’Etat belge.
En un mot comme en cent, certaines exclusives doivent disparaître sous peine d’enclencher un scénario catastrophe.
Au niveau régional, les choses pourraient être simples du côté francophone : PS, MR et Ecolo disposent ensemble de solides majorités, partout, à Bruxelles, en Wallonie, à la Communauté française. Mais il y a un hic et il est de taille : le PS et plus encore Ecolo ont pour principal objectif d’écarter le MR du pouvoir.
C’est facile à faire à Bruxelles où le Défi d’Olivier Maingain est prêt à tous les mauvais coups contre le MR. C’est plus compliqué en Wallonie où le PS et Ecolo sont minoritaires et n’ont, à part le MR, aucun autre partenaire possible.
Qu’à cela ne tienne. Jean-Marc Nollet, le co-président d’Ecolo, que l’on a connu, il y a quelques années, en ministre quelconque sinon calamiteux, a pris en mains le gouvernail.
Héraut auto-proclamé de la société civile, il a conçu le projet de former un gouvernement minoritaire et d’offrir des portefeuilles ministériels à des alliés non élus plutôt qu’à des élus choisis par le peuple, mais sur des listes MR.
Il y a là un outrage au suffrage universel que je dénonce radicalement. Je ne comprends pas comment le PS, qui s’est tant battu pour le suffrage universel peut se faire complice d’une manœuvre qui porte atteinte à la légitimité de la démocratie représentative issue du libre choix des citoyens.
Je conclus. Notre pays mérite d’être bien gouverné par des responsables issus des votes du peuple souverain. Nos régions aussi. Ce n’est plus l’heure des exclusives, ni des manœuvres dilatoires de quelque gourou illuminé.
C’est l’heure des Hommes et de Femmes d’Etat !
Gérard DEPREZ