Ministre de l’Energie, de l’Environnement et du Développement durable sous le précédent gouvernement fédéral (2014-2020), Marie-Christine Marghem estime que le nucléaire a encore toute sa place dans le mix énergétique du futur. Elle défend donc l’idée d’une prolongation des centrales nucléaires Doel 4 et Tihange 3 au-delà de 2025. La présidente du mouvement MCC (composante du MR) et députée fédérale menace de s’abstenir sur le vote du texte sur le CRM, si ses amendements ne sont pas pris en compte dans les Arrêtés royaux d’exécution liés au Mécanisme de rémunération de capacité (CRM). Ce dernier n’est autre que le prix payé aux opérateurs qui investiront dans de nouvelles unités de production, principalement des centrales au gaz. Ces dernières doivent compenser les pertes de production d’électricité liées à la fermeture programmée des centrales nucléaires d’ici 2025. Elle nous a accordé un entretien dont voici la première partie (1/2).
Q. A l’issue d’un récent débat en commission Energie à la Chambre, vous avez finalement voté en faveur du projet de loi instaurant le CRM, mais avec des réserves. Pourquoi ?
MCM. Le débat dont vous parlez a été précédé d’un autre où je m’étais abstenue. Pourquoi ? Parce que j’ai eu sous les yeux, tout comme mes autres collègues parlementaires, un rapport de la Creg (le régulateur fédéral de l’énergie) qui indiquait clairement que le rapport sur lequel se fonde la ministre Tinne Van der Straeten (Groen !, ministre de l’Energie) sous-estime certains paramètres ou utilise des paramètres trop favorables. Ce faisant, ils conduisent à un coût du CRM largement inférieur à ce qu’il devrait être si les calculs étaient faits avec des hypothèses correctes. C’est même d’autant plus vrai que celui qui a rédigé l’actuel rapport n’est autre que le même qui, il y a quelques mois, sous l’ancienne législature, dans l’ancien gouvernement fédéral lorsque j’étais en charge de la matière Energie, en avait fait un.
Le même consultant était arrivé, avec une liberté totale de travail, à un coût de 600 millions d’euros. Aujourd’hui, il avance un coût de 238 millions. Sur base du rapport de la Creg, j’en suis arrivée à la conclusion qu’il faudrait adapter le cadre légal en l’enrichissant d’un amendement parce que le nouveau rapport sous-estimait gravement les paramètres. J’ai voulu rédiger cet amendement. Mais après discussions et pour donner une chance à la majorité à laquelle je fais partie, j’ai renoncé à l’idée de l’amendement. Je pense que la majorité est en mesure de faire évoluer les textes, notamment ceux des Arrêtés royaux d’exécution en intégrant les éléments de mon amendement.
Q. Et si vos remarques ne sont pas prises en compte dans les AR d’exécution ?
MCM. Ce n’est pas compliqué, je m’abstiendrai de nouveau. J’ai voulu donner une prime à la majorité en estimant qu’elle était sage et capable d’entendre certaines choses et d’inclure dans les AR d’exécution du cadre légal ce que je demandais dans les amendements. Ayant travaillé 6 ans dans la matière, j’en connais quand même quelques détails même si celle-ci est très complexe et peu accessible à tous. Ce que le citoyen doit retenir, c’est que ce travail sert à éviter que sa facture d’électricité n’augmente de manière démesurée. Le mécanisme de soutien qui va être lancé vise à attirer de nouvelles capacités de production d’électricité via des centrales au gaz. C’est un mécanisme de transition. Contrairement à ce que prétend Ecolo-Groen !, il ne nous permettra pas de sortir totalement du nucléaire, parce qu’il y aura à ce moment, un impact en CO2. De plus, il faudra bien calculer les paramètres pour que le mécanisme reste supportable financièrement parlant. Or, on sait très bien que les centrales nucléaires produisent une électricité qui coûte moins cher et pratiquement sans émission de gaz à effet de serre.
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Q. Partagez-vous l’idée que le nucléaire fait partie de la solution du mix énergétique pour la production d’électricité ?
MCM. Bien sûr. Nous parlons d’une transition énergétique. Elle se mesure avec deux éléments fondamentaux qui sont le temps et le coût. Une transition, c’est parce qu’on veut changer, on veut atteindre un objectif. Cet objectif, c’est la diminution des émissions de gaz à effet de serre et il est urgent de s’y attaquer d’une manière très forte. Une façon de s’y attaquer de manière vigoureuse est de garder un minimum d’électricité produite par le nucléaire, parce que cette électricité génère peu de CO2. Le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) le dit, les scientifiques le confirment. Donc, ce n’est pas une invention. Le gaz est une énergie dont nous avons besoin, parce qu’il est flexible et permet de réagir très vite aux diminutions de production d’électricité par les panneaux photovoltaïques ou les éoliennes. Les centrales à gaz qui sont très flexibles et qui peuvent démarrer au quart de tour sont nécessaires.
C’est ce mix énergétique global qui nous permettra d’avoir une assiette de coûts raisonnables et intéressante en termes de diminution de gaz à effet de serre. Si vous remplacez toute la capacité nucléaire par du gaz, vous allez avoir une facture d’électricité qui va s’accroître fortement pour les ménages et les entreprises et un bilan CO2 qui va exploser. Et surtout dans l’état actuel et si on n’écoute pas ce que je demande dans l’amendement.
Q. Donc sortir du nucléaire en en 2025 n’est pas la solution…
MCM. Il faut garder une partie du nucléaire et nous avons des centrales jeunes (Doel 4 et Tihange 3), une de chaque côté de la frontière linguistique. Par ailleurs, nous avons un savoir-faire que le monde nous envie, puisque nous sommes des pionniers dans la construction des centrales nucléaires. Doel 4 et Tihange 3 sont des centrales qui ne posent pas de problèmes et qui peuvent être prolongées sans difficulté. Autour de notre expertise nucléaire, nous avons toute une industrie, composée de métiers de très haut niveau et de très haute qualité, qui représentent un volume d’emplois d’environ 15.000 à 20.000 personnes hautement qualifiées. On n’a pas de charbon, heureusement on n’en brûle pas comme les Allemands; on n’a pas de gaz, heureusement on n’en extrait pas comme les Hollandais; on n’a pas de pétrole, tout comme les Français, les Allemands et les Hollandais. Mais les Français ont par exemple répondu par 58 réacteurs. Pour rappel, l’électricité qui vient de France par les interconnexions est nucléaire.
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Marie-Christine Marghem : « Il faudra prolonger les centrales nucléaires Doel 4 et Tihange 3 »