« Si on associait le MR, le CDH et Défi dans un seul mouvement politique, il devancerait de 12 à 13 points le PS en Wallonie. Il faudrait reconstituer sur cette base une famille politique, comme Macron le fait, et qui rassemblerait des gens d’horizons politiques différents ».
Entretien – Frédéric Chardon – 08 juin 2019 – La Libre
Gérard Deprez (MR) n’a pas renoncé à sa vieille idée de réunir les libéraux et les humanistes. Le nouveau mouvement politique qu’il imagine intégrerait également Défi et reléguerait alors le PS à la deuxième place électorale.
Après avoir présidé le PSC de 1981 à 1996, Gérard Deprez avait tenté de faire basculer le centre de gravité politique du côté francophone en attelant les sociaux-chrétiens aux libéraux. Après avoir échoué, il avait rejoint le MR (le PRL, à l’époque). Vingt ans après, la refondation du CDH (l’héritier du PSC), annoncée par son président Maxime Prévot, ouvre une nouvelle fenêtre de tir pour l’émergence d’un grand parti centriste. Gérard Deprez va bientôt quitter la vie parlementaire et il livre sa vision pour la recomposition du paysage politique en Wallonie et à Bruxelles.
Le CDH a joué carte sur table et a renoncé à participer au pouvoir. Était-ce une bonne décision à ce stade des négociations ?
Le recul du CDH aux dernières élections ne nous a pas fait plaisir. De même, le MR ne se réjouit pas du fait que le CDH se soit mis hors jeu pour la suite. Je respecte cette décision mais cela empêche des possibilités d’alliance pour lesquelles le MR avait un intérêt.
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Maxime Prévot veut refonder son parti dans les deux ans. Or cela fait vingt ans que l’idée de créer un grand parti au centre et au centre-droit, en associant les libéraux et les humanistes, est dans l’air. Est-ce le bon moment pour créer ce grand mouvement ?
Il y a trois nébuleuses politiques en Belgique : un pôle de droite avec la N-VA et le Vlaams Belang ; un pôle de gauche qui réunit le PTB, le PS et Écolo ; et une nébuleuse centrale dans laquelle on retrouve le MR, le CDH et Défi. Ce pôle centriste apparaît très clairement sur la carte politique. Il reste juste à l’organiser. Si on associait ces trois formations, elles devanceraient de 12 à 13 points le PS en Wallonie. Il faudrait reconstituer sur cette base une famille politique comme Macron le fait et qui rassemblerait des gens d’horizons politiques différents.
Mais, donc, cela implique que le MR mette de côté une partie de sa doctrine politique, de son ADN libéral…
Chacun devra faire l’économie de la proclamation de son identité politique, les libéraux y compris. Sinon rien ne sera possible.
Le MR, le CDH et Défi y sont-ils prêts ?
Ça, c’est la question. Pour faire émerger une nouvelle force politique qui pourrait casser les pesanteurs du passé et inventer un futur, cela devra en tout cas se faire autour de ces trois formations. Je souhaite cela et je l’ai toujours souhaité. Mais ça a raté par le passé…
Avez-vous tiré des enseignements de cette période ?
Oui. Si une formation dit qu’elle veut absorber les deux autres, ça échouera à nouveau. Il y a une vingtaine d’années, j’ai raté ma tentative d’aller dans ce sens. Il faut manifestement changer la manière et le rythme de faire les choses. À l’époque, des résistances s’étaient organisées en raison notamment de quelques maladresses de ma part. Mais l’idée était bonne, et je le pense toujours.
Pensez-vous que l’émergence d’un tel mouvement soit possible ?
La récente décision du CDH pose problème à ce sujet : on aura du mal à unir des formations dont certaines sont dans les majorités tandis que d’autres sont dans l’opposition… Le jeu va être verrouillé. Pour que ce à quoi je rêve puisse se réaliser, il faudra plus de temps que ce que j’imaginais.
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(A propos des négociations pour la formation de majorités gouvernementales)
La situation au fédéral est compliquée. Vous avez une réputation de stratège politique : quelles sont les pistes de solution, selon vous ?
Une solution ? Non, mais j’ai un objectif à atteindre. Il faut un gouvernement fédéral capable de tenir toute une législature avec un programme solide pour poursuivre la politique du gouvernement antérieur, en particulier sur l’investissement et l’emploi. Idéalement, pour obtenir une majorité stable, il serait souhaitable qu’il ait une majorité dans les deux grandes régions du pays. Ce serait le premier choix. Il faut chercher une configuration de ce type, tout en éliminant le Vlaams Belang et le PTB.
Si on écarte les extrêmes et si on écarte l’hypothèse d’un gouvernement où l’une des deux grandes communautés serait en minorité, comme coalition plausible, il ne reste plus que la “bourguignonne”. C’est-à-dire l’alliance entre la famille socialiste, la famille libérale et la N-VA.
Je ne suis pas informateur et je ne suis pas formateur. Mais la coalition que vous citez fait en effet partie des solutions praticables. La “bourguignonne” a d’ailleurs un précédent du côté flamand (la coalition locale anversoise) et a été mise en place par une personnalité qui a une certaine importance pour l’avenir du nord du pays et, par conséquent, du fédéral (Bart De Wever). C’est incontestablement l’une des formules à tester.
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